2) Les tentatives d'unification du mouvement de solidarité
Le mouvement de solidarité avec l'Algérie démocratique a été très disparate sur le territoire français et a été traversé par de nombreux courants divergents. En effet, il y a eu de multiples associations qui se sont créées depuis 1993. Pénétré par des dissensions parfois profondes, ce mouvement a cependant essayé de porter des revendications communes. Ayda a été à l'origine de certains de ces rapprochements et a toujours tenté d'en être une animatrice dynamique.
Ces tentatives d'unification du mouvement avaient pour objectif d'apporter une meilleure lisibilité des revendications et de la situation dramatique que connaissaient les réfugiés. Elles ont permis une sensibilisation plus forte de l'opinion publique et le développement d'un réseau d'accueil et d'entraide.
Cependant, toutes ces initiatives n'ont pas connu le même sort. Plusieurs d'entre elles, dont le Comité de Soutien à l'Algérie Démocratique50 créé à Toulouse en novembre 1994 à l'initiative du Parti Communiste, n'ont pas su établir une méthode de travail efficace.
Ayda a soutenu la création d'une association à Bordeaux (Ayda Bordeaux) en 1997. Elle a parrainé une antenne en Nouvelle-Calédonie en 1995 qui a permis de récolter des dons envoyés pour certains d'entre eux à Ayda.
La revue Asma a été un outil essentiel qui a amplifié la diffusion et la connaissance d'Ayda. Sa large distribution auprès des associations de réfugiés a permis à l'organisation toulousaine d'occuper une place de référence dans ce mouvement.
a) La coordination Grand Sud
Sous-titrée " Pour une Algérie démocratique ", la Coordination Grand Sud a été créée le 8 juin 1996 lors des Rencontres de Montpellier. A l'initiative de ce rassemblement, l'association Ayda et l'association SAFA de Montpellier ont souhaité réunir le plus grand nombre d'organisations impliquées dans le mouvement de solidarité du Sud de la France afin de lancer une concertation et des perspectives d'actions communes. Ces rencontres ont demandé une lourde préparation en aval, pendant tout le mois de mai 1996, qui a mobilisé plusieurs membres d'Ayda. L'ordre du jour a été fixé par ces deux associations et tient en trois points spécifiques : une présentation de chaque association participante, une information juridique sur les conditions de séjour des Algériens en France et les perspectives d'actions communes. Elles se sont déroulées au Centre Rencontres (route de Mende) de Montpellier. Point de départ de cette unification, elles ont rassemblé une dizaine d'associations et prés de cinquante personnes. Dix membres d'Ayda ont fait le déplacement à Montpellier. Le compte-rendu de cette rencontre a été publié dans Asma (n°4 été 1996). Il détaille les avancées entreprises à Montpellier : " Cette réunion informelle avait comme objet de permettre aux individus, groupes ou associations du Sud de la France s'occupant de l'Algérie
- de se connaître, s'informer de leur existence et de leurs projets ;
- d'échanger leurs expériences, de confronter leurs difficultés ;
-de tisser un réseau d'échange d'informations ;
-de pouvoir s'entendre en cas de nécessité dans le sens de nos intérêts communs ;
-d'avoir des actions communes éventuelles, au coup par coup, en fonction des affinités. "
Au sein de cette coordination, chaque association gardait son autonomie et son indépendance d'action. La permanence et le secrétariat étaient assurés par Ayda à Toulouse qui était chargée " de centraliser et de répercuter … les informations relatives à l'activité et aux actions relatives à l'Algérie.51 " et chaque région disposait d'une association relais. Ouverte à l'ensemble des organisations et individus qui souhaitaient s'y investir la Coordination Grand Sud avait établi une sorte de charte appelée " Déclaration de Montpellier " adoptée par ses membres. Rappelant les principes de démocratie auxquels ils sont attachés, les signataires réaffirment leur solidarité avec les exilés et les démocrates restés en Algérie. Outre les demandes de simplifications juridiques, la coordination s'est donnée pour objectif d' " enrichir les passerelles que les associations démocrates des femmes et hommes d'Algérie ont su rapidement bâtir avec des femmes et des hommes de France52 . " Ils ont établi des bases de travail commun et ont souhaité lors de cette réunion élargir " la conception et la diffusion du journal Asma à toute la région Grand Sud53 ". Cette initiative n'a pas vu le jour car la revue a cessé sa parution en septembre 1996. Cependant une réunion du Comité de Rédaction devait se réunir au mois d'octobre à Toulouse et une ébauche de programme avait été établie. Il s'agissait au sein d'Asma, de réserver une rubrique pour l'information de chaque association et de mettre en place des pages locales ou régionales. La fabrication du journal devait se faire à Toulouse.
Un programme minimum d'action avait été arrêté lors de ces rencontres. Dans le cadre du combat de ces associations sur la politique des visas, il avait été prévu d'organiser une journée de protestation régionale le 26 septembre 1996 devant les préfectures intitulée : " Pour la délivrance de visas pour les Algériens et la liberté de circuler dans les deux sens. Pour la régularisation du séjour en France des démocrates Algériens en exil.54 " Cette date avait été choisie en souvenir de l'assassinat de l'économiste algérien Abderhamane Fardeheb à Oran en 1995. Cet universitaire algérien avait été invité par ces collègues grenoblois mais n'avait pas pu venir car les autorités françaises retardaient indéfiniment l'obtention de son visa. Il a été froidement abattu en sortant de chez lui par les islamistes. Ironie du sort, quelques jours plus tard sa demande de visa était acceptée. Cette action coordonnée n'a pu avoir lieu par manque de temps et d'organisation. D'autres propositions ont été lancées lors de ces rencontres : organisation d'une journée sur le thème de la liberté de la presse en Algérie le 3 décembre en souvenir de l'assassinat du journaliste Saïd Mekbel, journée dédiée à l'enfance algérienne le 1er novembre, journée sur la citoyenneté et le code de la famille (en souvenir de Katia Bengana jeune fille assassiné par les islamistes), hommage à Abdelkader Alloulla au cours d'une journée intitulée " Le théâtre vivant ".
La principale action coordonnée dans la région grand sud a été la journée consacrée à la mémoire du 17 octobre 1961, le 17 octobre 1996. A la veille de la fin de la guerre d'Algérie, le FLN (Front de Libération Nationale) demande aux Algériens de France de participer à la manifestation pacifique organisée à Paris pour protester contre le couvre feu instauré par le gouvernement gaulliste de Michel Debré. La répression qui s'en suit est terrible (le nombre de victimes n'a jamais été véritablement établi, on parle de cent ou deux cents victimes) et constitue l'une des pages les plus noires, passée sous silence, de la Vème République. Paul Chiésa consacre une double page à ce drame dans le numéro 5 d'Asma. Afin de ne pas oublier ce " massacre " et de rappeler les difficultés auxquelles sont confrontées les démocrates Algériens aujourd'hui, les associations de la coordination Grand Sud avaient décidé de prendre cette date comme symbole de leur combat. Des actions ont été entreprises dans de nombreuses villes et notamment à Marseille (rassemblement devant la préfecture et hommage à Abderahmane Fardeheb), à Grenoble (manifestation en hommage aux victimes du 17/10/1961 avec lancer de fleurs dans l'Isère, projection débat avec le documentaire : une journée portée disparue, et lâcher de ballons symbolisant l'espoir en une Algérie démocratique), à Bordeaux (rassemblement devant l'hôtel de ville) et bien évidemment à Toulouse. Ayda a développé ses actions sur deux jours et les a aussi délocalisées à Foix. Le 16 octobre une projection-débat a été organisée autour du film très longtemps censuré " Octobre à Paris " de Jacques Planigel. Il a été suivi d'une discussion avec Jean Louis Hurst, ancien porteur de valises, responsable du réseau d'insoumis à la guerre d'Algérie " Jeune Résistance " et témoin des évènements. Le même débat s'est déroulé à Foix. Une anecdote notée dans une lettre de Geneviève Azam datée du 26 octobre 1996 est significative de l'oubli de cette page de l'histoire hexagonale : " A Foix, " Octobre à Paris " de Panigel avec Jean Louis Hurst, délégation à la Préfecture, le représentant du Préfet pensait que c'était une commémoration de Charonne ! " Le 17 octobre, Ayda a participé à la manifestation organisée par les syndicats pour la défense de la fonction publique. Elle est apparue avec une grande banderole " Algérie, démocratie, solidarité droit à la libre circulation, au travail, à un statut, 17 octobre 1961, jetés dans la seine, 17 octobre 1996 laissés dans l'oubli ". Dans la même lettre Geneviève Azam en fait le compte-rendu : " Banderole sur le parcours de la manifestation fonction publique ( ˜30 000 personnes), chaleureusement accueillie, applaudie et reprise par plusieurs sonos dans la manifestation. Echo amplifié. " En collaboration avec le Réseau de Solidarité avec les Femmes Algériennes et le soutien de l'UD-CGT 31, l'UD-CGT 09, Alternative Libertaire, la CIMADE, la LDH 31, le MRAP 31, le PS, le PC, Ras l'Front, SOS Racisme et SUD, Ayda avait appelé à un rassemblement devant la préfecture, le soir du 17 octobre à 18 heures avec comme slogan55 " Hier jetés dans la Seine, aujourd'hui rejetés, demain dans les charters de la mort ? ". Cette manifestation a rassemblé environ 150 personnes et a permis une fois de plus de voir s'exprimer une solidarité à l'égard d'Ayda (on apprend que Jean Louis Hurst est intervenu grâce au prêt d'une sono de la part de SUD).
La coordination Grand Sud avait aussi pour objectif de créer une permanence juridique afin de faciliter les démarches et la circulation de l'information.
Cette coordination a permis à ces nombreuses associations et notamment Ayda d'élaborer un réseau de relations parfois suivis comme avec l'association de Grenoble (réalisation d'une correspondance importante dans laquelle chaque association présente ses activités et demande parfois des renseignements et des aides ponctuelles) et de permettre l'échange de leurs expériences. Ayda a été le ferment d'une mutualisation des capacités de ces différentes associations, investies au sein du mouvement de solidarité avec l'Algérie.
b) Un réseau national autour de POUR !
Le réseau POUR ! Action & Solidarité avec les démocrates algériens a été créée à Paris en 1996. Il a édité une revue mensuelle (signalée dans Asma (n° 4) en ces termes : " Saluons avec fraternité l'apparition de ce mensuel qui conduit des réflexions très proches d'Asma " qui paraît toujours. Cette parution a entraîné une concurrence importante avec Asma (le journal d'Ayda) qui avait l'ambition de " devenir le POUR ! national56 ". Ils s'y présentent dans le premier numéro et sur leur site Internet : " Des citoyens français et algériens vivant et travaillant en France, réunis autour d'un même projet et se sentant tous concernés par la montée du racisme en France et de l'intégrisme en Algérie. La France et l'Algérie sont liées par leur histoire commune, l'importance des populations d'origine algérienne et des français d'Algérie vivant en France, les rapports économiques et culturels privilégiés. Devant la montée des périls, tant en France qu'en Algérie, nous ne sommes pas neutres. En France, le racisme et la xénophobie progressent, et l'intégrisme menace. En Algérie, les forces de progrès sont prises en tenailles entre le pouvoir militaire et le camp intégriste ; une partie des forces qui se prétend démocrate pactise avec les organisations intégristes et fascisantes. Nous voulons combattre la pensée dominante en France qui, sous prétexte de paix civile, prône des accords avec les intégristes au détriment de la démocratie. Nous voulons rappeler avec force que l'intégrisme n'est pas une fatalité en Algérie. Nous voulons soutenir les forces de progrès qui luttent pour l'instauration de la démocratie en développant l'information sur la situation algérienne et ses répercussions en France. " Ce réseau de solidarité s'est constitué sur des bases politiques claires et a regroupé vingt quatre associations autour de la revue. Elles ont construit le Collectif des Associations pour le Développement de la Solidarité Franco-Algérienne. Ce mensuel qui est devenu l'organe du mouvement, est animé par d'anciens porteurs de valises dont le plus connu est Jean Jacques Porchez. Cette coordination nationale est née à l'initiative de plusieurs personnalités du mouvement de solidarité avec les démocrates algériens. Ces personnes (Simon Blumenthal pour Solidam Paris et Abdherahman, Françoise Davisse pour Algérie Urgence Paris, Annick Gruau pour Algérie Urgence le Havre, Bahia et Jacques Jurquet pour MRAP Marseille, Françoise Kaser pour Femme contre les intégrismes Lyon, Mme Lagadec pour France Algérie Brest, Michèle Pedinelli pour ADJAF Paris, Claude Pierre pour ADFE Paris, Jean Jacques Porchez pour la revue POUR ! , Marie-Ange Poyet journaliste Paris et Georges Rivière pour Ayda Toulouse et journal Asma.) ont initié une rencontre nationale à Paris le 22 juin 1996 en y invitant l'ensemble des associations travaillant avec les exilés. Elle a donné lieu à la naissance de ce collectif autour du journal POUR !. Chaque association avait la possibilité d'envoyer des textes à paraître et des réunions régulières étaient organisées à Paris. Ayda a assuré la diffusion de journal (imprimé gratuitement contrairement à Asma ce qui lui a permis de continuer) en cédant les abonnés d'Asma après la cessation de parution.
Cette coordination a permis une diffusion nationale et une sensibilisation plus large sur les difficultés que rencontraient les démocrates en exil. Les actions menées par ce réseau de solidarité et l'implication d'Ayda en son sein sont très difficiles à quantifier du fait du peu de traces laissées dans les archives de l'association57 . Lors de la venue de la caravane des associations démocratiques algériennes en octobre 1998, POUR ! s'est investie dans l'organisation au niveau régional en Ile de France.
Elle a permis la création d'un pôle rassembleur des associations du mouvement de solidarité en faveur des démocrates algériens. Elle s'est impliquée considérablement dans le débat autour de l'Algérie et a développé des prises de position dans la ligne politique d'Ayda. Les quelques marques de correspondance retrouvées dans les archives d'Ayda font mention du nom de Jean Jacques Porchez. Cet ancien porteur de valise est aujourd'hui conseiller régional d'Ile de France au groupe Vert et apparenté. Il a été sollicité par Ayda lors d'un meeting organisé sur le thème " l'Algérie aujourd'hui. "
3) L'implantation en Algérie
Les activités d'Ayda orientées vers l'Algérie devaient mener à un rapprochement inévitable avec le pays. C'est ainsi que des échanges se sont construits souvent par l'intermédiaire des liens étroits développés par les membres d'Ayda avec l'Algérie et qui sont venus enrichir des relations humaines déjà très fortes.
a) Le monde associatif
Ayda a travaillé avec plusieurs associations démocratiques algériennes au cours de ces six ans d'existence. Sous le titre " Aider l'Algérie qui vit, aider l'Algérie qui se bat…58", George Rivière exprime la volonté d'Ayda d'offrir à cette Algérie là, la parole dont elle a besoin pour se faire connaître, pour résister. Ayda a essayé, au-delà de l'aide humanitaire et du message politique en faveur de la démocratie en Algérie, de permettre la création de liens avec ce pays. George Rivière, l'un des premiers membres français d'Ayda à s'être rendu en Algérie, expose cette préoccupation dans cet article. " Cette dynamique [ il fait référence ici à la résistance démocratique ] encore précaire, trouve un écho de plus en plus clair au-delà de la Méditerranée chez toutes celles et tous ceux qui ont clairement perçu la dimension internationale du conflit algérien. L'enjeu, en terme d'épanouissement ou d'effondrement des valeurs de respect de l'individu, de justice sociale, de droits de l'homme, d'épanouissement de la pensée critique et de paix civile est tel qu'il ne s'agit plus de solidarité abstraite mais de communauté d'échanges et de partenariat. " Ces échanges essentiels avec l'Algérie permettent sous une forme différente d'aider le mouvement démocratique à se construire, se consolider. C'est dans ce cadre là qu'Ayda a initié ou participé à cette passerelle et soutenu des associations algériennes faisant partie du mouvement démocratique. Souvent, les premiers liens ont été amorcés par l'intermédiaire de l'investissement personnel des membres d'Ayda. En effet, la diversité des horizons culturels et politiques des adhérents a contribué à développer des attaches spécifiques avec telle ou telle association. Les exilés algériens ont permis d'établir des contacts avec leurs milieux d'origine et les associations de leur ville.
Le premier échange associatif avec l'Algérie et Ayda a lieu à l'occasion de la formation organisée à Alger par le Comité des Associations s'Occupant de la Famille en 199459 . Lors de ces rencontres des liens plus développés se sont constitués avec Salima Deramchi qui allait devenir la présidente de l'association Femmes Algériennes Unies pour l'Egalité des Droits. FAUED est un rassemblement de femmes venues de toute l'Algérie, créée le 8 mars 1995 à Alger. L'originalité de ce combat tient dans la volonté des femmes d'investir le champ politique pour la défense de leurs droits fondamentaux. La constitution officielle de cette organisation a eu lieu en présence de deux membres d'Ayda et de deux autres membres du Réseau de Solidarité avec les Femmes Algériennes le 1er mai 1995 à Alger60 . Ces femmes ont adopté une plate-forme en neuf points résumant leur programme61 :
-Respect de la personne humaine
-Egalité des droits de toutes les citoyennes et de tous les citoyens devant la loi, en particulier par l'abrogation du code de la famille
-Respect du droit à l'éducation des enfants dans toutes leurs cultures et leur histoire reconquise
-Respect avec le système actuel d'éducation et refonte de l'enseignement
-Respect de la liberté d'expression
-Rupture avec l'esprit et les pratiques claniques et népotiques génératrices d'injustices et d'exclusion
-Défense du droit au travail, au logement et de la justice sociale
-Renforcement de la lutte contre l'intégrisme
-Non-utilisation de la religion à des fins politiques.
Cette association a établi des liens privilégiés avec Ayda car elle a été le premier contact en Algérie pour l'association toulousaine. Ayda a soutenu leurs revendications. Lors de la conférence mondiale des femmes à Pékin en septembre 1995, le gouvernement algérien n'a pas offert la possibilité à ces ONG (Organisations Non Gouvernementales) d'effectuer le déplacement en Chine. Grâce à la solidarité d'Ayda (de l'Union Régionale de la CFDT Midi-Pyrénées et du Réseau de Solidarité avec les Femmes Algériennes) la représentante de l'AFEPEC (Association Féminine pour l'Epanouissement de la Personne et de l'Exercice de la Citoyenneté) a eu son voyage payé. Elle a pu faire entendre la voix des femmes algériennes en compagnie des femmes de FAUED, et du RAFD (Rassemblement Algérien des Femmes Démocrates). Ayda a participé au financement d'affiches pour ces organisations lors de cette conférence mondiale. Par ces marques de solidarité avec les associations algériennes travaillant autour du statut de la femme, Ayda a contribué à développer des ponts transméditerranéens. Les formations organisées à Alger par le Comité des Associations s'Occupant de la Famille dès 1994 a permis d'établir de nouveaux contacts et des liens plus nombreux avec une réalité algérienne souvent passée sous silence par les grands médias français. C'est le cas d'une association de Ghardaïa IBN-SINA (Avicennes) qui travaille sur la prévention du SIDA dans la capitale du M'Zab, région très soucieuse de la préservation de ses croyances et de ses traditions. Cette association a écrit une lettre à Ayda présentée dans le journal Asma62 par George Rivière qui fait état de son action et des difficultés qu'elle rencontre. Dans la conclusion de cet article, l'auteur insiste sur l'importance de ces liens entre les deux pays : " Qu'IBN SINA souligne l'aide qu'a pu apporter son ouverture à un réseau associatif démontre aussi l'importance des échanges et de la solidarité. Elle en tire toutes les conséquences en écrivant à Asma pour dire, depuis Ghardaïa, que l'Algérie ne se réduit pas aux coupures sinistres de la presse, mais qu'elle vit, qu'elle se bat et qu'elle est porteuse d'espoir. "
D'autres initiatives ont permis d'établir des liens plus proches avec le milieu démocratique algérien. Une collecte de matériel informatique a été réalisée au printemps 1995 afin de l'acheminer en Algérie et de pouvoir apporter une aide matérielle importante. En effet, le fonctionnement de ces associations est parfois difficile, car elles ne reçoivent aucune subvention des pouvoirs publics pour la plupart d'entres-elles et doivent subvenir à leurs besoins de manière difficile. Ayda a aussi prolongé ces échanges avec l'Algérie en invitant plusieurs personnalités de ces associations lors de meetings ou de conférences. C'est ainsi que pour le meeting du 16 mars 1996, Ayda a fait venir notamment la présidente de l'AFEPEC Zazi Sadou. Des représentants de l'ANDPE (Association Nationale pour la Défense et la Promotion de l'Emploi) sont venus animer une conférence à la librairie Renaissance en 1997 sur le thème de l'économie en Algérie aujourd'hui.
Le plus grand projet d'échanges et de collaboration avec le mouvement associatif démocratique algérien fut sans aucun doute " la caravane de l'espoir " qui a parcouru la France en 199863 . C'est un certain aboutissement des rencontres débutées en 1994 et des relations humaines tissées lors de ces voyages algériens.
Le terrain associatif n'a pas été le seul champ d'action d'Ayda. Elle s'est investie sur le plan syndical et a eu des projets plus tournés vers le monde politique.
b) Le monde politique et syndical
Ne transigeant pas sur leur ligne de conduite, les membres d'Ayda ont en Algérie, comme en France, souhaité garder leur indépendance et leur autonomie. Ils se sont toujours gardés de devenir le porte-voix de tel ou tel parti politique algérien. Devant la complexité de la représentation politique en Algérie, Ayda n'a pas choisi de travailler avec une mouvance, mais elle a choisi le camp de la démocratie. Elle a ainsi eu des contacts, par l'intermédiaire des exilés, avec certains partis politiques. On trouve quelques articles dans les archives de presse sur Ettahadi64 et ses dirigeants notamment. Le refus de prendre en compte le FFS d'Hocine Aït Ahmed s'explique par sa signature du contrat de Rome.
En 1996, le projet de faire venir à Toulouse, l'ancien Premier ministre algérien Rédah Malek, pour une réunion publique, a provoqué des oppositions au sein d'Ayda. Cet homme politique algérien, incarne le parti qu'il a fondé : l'Alliance Nationale Républicaine (ANR) et développe des thèses respectueuses de la République et de ses principes. Il fait partie de la mouvance démocratique. Les contacts avaient été établis par un professeur en chirurgie d'Oran exilé à Toulouse. Ce projet n'a pas pu voir le jour. Certains membres d'Ayda n'ont pas souhaité inviter Rédah Malek car cela impliquait la venue successive de tous les leaders démocrates algériens opposés aux accords de Rome à Toulouse. Devant l'impossibilité de cette perspective, la venue de cet homme d'état algérien n'a pas eu lieu. Mais de cette idée est né un projet de Forum ouvert à l'ensemble des leaders des partis démocratiques, des responsables syndicaux et associatifs. Cette rencontre se serait déroulée à huit clos lors de la première journée afin d'établir une discussion sereine et constructive entre tous ces démocrates autour de l'idée de développement de la démocratie en Algérie. Le deuxième jour aurait été l'occasion d'un débat semi-public avec la presse française. Cette initiative devant être organisée en 1998 n'a pas vu le jour.
La collaboration avec le monde syndical algérien s'est déroulée autour de l'UGTA l'ex syndicat unique. Elle a pris corps dans la ville de Tiaret dans le cadre des partenariats de formation avec la CGT et la CFDT. Ayda a fait venir à Toulouse certains syndicalistes afin d'organiser des débats ou bien de les mettre en contact avec les centrales syndicales françaises. Elle a joué le rôle d'interface entre les deux pays.
Les motivations de ces hommes et de des femmes devant le drame que vivait l'Algérie ont trouvé un écho et ont ainsi réveillé dans l'inconscient de la population toulousaine tous les ressorts d'une démarche solidaire. Cette démarche a surtout été relayée de manière individuelle au sein du monde culturel alors que les institutions (excepté le Conseil Général de la Haute-Garonne et l'Université de Toulouse - le - Mirail) en sont restées à un stade d'incompréhension.