Ayda a cherché tout au long de ces six ans à sensibiliser le milieu militant toulousain afin de recueillir des aides et des soutiens lui permettant de développer et d'améliorer ses actions. Elle s'est adressée en premier lieu aux institutions qui ont pour beaucoup refusé une collaboration. Le monde associatif et syndical, a, pour sa part accordé un soutien conséquent et souvent actif aux propositions d'Ayda. L'association a d'une autre manière sollicité les partis politiques afin de leur expliquer la nécessité d'un engagement en faveur des exilés algériens. Le monde des arts et de la culture a, quant à lui, participé à cette aventure dans la mesure de ses possibilités et Ayda a su construire avec lui plusieurs projets intéressants.
Les démarches entreprises par Ayda auprès des institutions en Haute-Garonne ont reçu des traitements et des considérations diverses. Une différenciation peut s'établir entre les collectivités territoriales, les services préfectoraux et les institutions éducatives de l'enseignement supérieur.
*Les collectivités territoriales
Ces dernières, constituées par les mairies, les assemblées départementale et régionale, constituent très souvent une aide précieuse dans la vie d'une association. Dans le cadre d'Ayda ce soutien pouvait se présenter de plusieurs manières : une aide financière, une contribution matérielle ou bien encore des appuis importants lors de demandes de visas par exemple.
Implantée dans la ville rose, il était normal qu'Ayda sollicite la mairie de Toulouse afin d'obtenir des aides diverses. Dans une lettre, adressée par Pierre Rouault (alors secrétaire général) en date du 16 octobre 1994, Ayda demande une entrevue à Dominique Baudis, maire de Toulouse, afin de lui présenter la nouvelle association. Lors de ce rendez-vous, la délégation d'Ayda, dont faisait parti Mohamed Bahrour, s'est vu répondre une fin de non recevoir de la part de la mairie centriste (la majorité municipale en 1994 était à tendance UDF). En effet, cette dernière a établi un amalgame erroné entre l'immigration économique algérienne implantée à Toulouse et les exilés algériens. Elle s'est retranchée derrière les peurs et les incompréhensions de son électorat à l'égard de la communauté maghrébine. Mohamed Bahrour présente ainsi la situation : " la mairie n'a pas aidé. Moi-même, j'ai vu Baudis, j'étais dans la délégation qui a vu Baudis. Ils ont toujours refusé d'aider au nom de la lutte contre l'immigration alors que c'était des gens qui n'avaient rien à voir avec l'immigration, c'était des cadres intellectuels, des artistes, des universitaires qui étaient déjà installés, qui n'avaient aucune intention d'habiter en France. Ils sont partis parce que leur vie était en danger mais ils ont fait l'amalgame, à la mairie, de manière claire. " Sollicitée pour l'aide au logement, elle a de la même manière refusée sa coopération. La seule contribution de cette collectivité territoriale a été l'intervention de Dominique Baudis, en tant que Maire mais aussi Député européen, auprès du Ministère des Affaires Etrangères et du consulat français à Alger afin de faciliter l'obtention d'un visa pour quelques personnalités algériennes. Dans un article daté du 5 juin 1997 dans la Dépêche du Midi, Dominique Baudis répond à une lettre du Comité pour la Paix Civile et la Démocratie en Algérie dans laquelle il expose sa position sur le drame algérien et fait référence à son intervention auprès de l'Ambassadeur de France à Alger.
Les mairies de l'agglomération du grand Toulouse ont été, elles aussi, sollicitées par Ayda dés le mois de novembre 1994. Dans une lettre type adressée à ces collectivités territoriales, l'association demande une entrevue afin de leur exposer ses problèmes. " Malgré d'extraordinaires manifestations de solidarité, nous éprouvons les plus grandes difficultés à résoudre certains problèmes concernant en particulier l'hébergement et le travail. C'est pourquoi nous nous adressons à vous, qui en d'autres circonstances avez montré votre sympathie pour les victimes de persécutions. Nous souhaiterions vous présenter plus longuement l'Association, son action et vous faire part de nos difficultés38 . " Ce courrier a été adressé au maire de Tournefeuille (Bernard Audigé), au maire de Colomiers (Alex Raymond), au maire de Blagnac (Jacques Puig), au maire de Portet sur Garonne (François Peraldi)39 . La mairie de Ramonville a pour sa part apporté une aide au logement en facilitant l'accès d'appartements aux exilés.
Le Conseil Général de la Haute-Garonne a été véritablement la seule collectivité territoriale à s'engager aux côtés d'Ayda. Comme nous avons pu le voir précédemment, il a attribué une subvention de fonctionnement à l'association de 50 000 francs depuis 1995. Son action s'est poursuivie en ouvrant la cérémonie de Noël des enfants du personnel à la communauté algérienne exilée. En effet, le Conseil Général a exprimé sa solidarité en offrant un cadeau à chaque enfant algérien lors du Noël 1995. La caravane des associations démocratiques algériennes a reçu une subvention de 40 000 francs pour sa réalisation. Les rapports entre Ayda et l'assemblée départementale ont été très cordiaux et cet engagement de la part de la collectivité territoriale a permis à Ayda de développer son action.
Le Conseil Régional de Midi-Pyrénées a répondu négativement aux sollicitations d'Ayda jusqu'en 1998. En effet, cette date correspond au changement de majorité au sein de l'assemblée régionale qui est passée à gauche. Durant ces quatre années, elle n'a pas manifesté son aide. Certains courriers aux adhérents d'Ayda ont été envoyés par l'intermédiaire du Conseil Régional. Mais cela n'entre pas en compte dans l'appui apporté par la collectivité territoriale. Cette initiative avait été entreprise par Marise Bergé-Lavigne, sénatrice de Haute-Garonne et élue régionale. A partit de 1998, Ayda a pu bénéficier du soutien du Conseil Régional notamment dans la réalisation du projet Caravane. Cette institution a été partenaire de l'opération et a débloqué la somme de 30 000 francs.
* La préfecture
Ayda a été en contact incessant avec la préfecture de Haute-Garonne. En effet cette institution, représentante de l'Etat dans le département, est le lieu de passage obligatoire pour l'obtention ou le renouvellement des titres de séjours40 . Tous les exilés devaient se rendre à la préfecture (rue de Metz jusqu'en 1999), au bureau des étrangers, afin d'acquérir le cachet de ce service sur leurs cartes ou visas. Ayda avait réussi à établir des rapports réguliers avec la responsable du service des étrangers, Madame Lalleman qui a été très compréhensive dans de nombreux cas. Elle a essayé d'arranger plusieurs questions épineuses et a parfois facilité les démarches d'Ayda en faveur des exilés. En 1997, lors du changement de gouvernement, elle a été mutée au service des cartes grises. A l'exception de cette dame, les rapports entre l'association et la préfecture ont été inscrits dans le strict respect des lois et des circulaires de la République.
*Les Universités
Toulouse, deuxième ville universitaire française, compte quatre établissements d'enseignement supérieur : l'université des Sciences sociales(droit, économie…), l'université Paul Sabatier (sciences), l'université du Mirail (sciences humaines) et l'Institut National Polytechnique de Toulouse (école d'ingénieurs)41. L'aide apportée par ces institutions a été très variable selon les établissements. L'université des Sciences sociales n'a pas ouvert ses portes aux exilés algériens de manière à leur permettre d'obtenir le statut étudiant, dernier échappatoire avant l'expulsion pour certains. Mohamed Bahrour (inscrit au Mirail) apporte un témoignage sur l'attitude de cette université par rapport à un de ces anciens étudiants exilés à Toulouse " Je connais un prof de droit international qui est docteur, qui a été diplômé de l'université de Toulouse, qui a ensuite enseigné à Oran qui est revenu ici, c'est un ancien élève, il a fait le doctorat ici, il est revenu. On ne lui a rien trouvé, on ne l'a pas aidé, on ne l'a pas dépanné. Il a tout essayé, déçu, il est revenu en Algérie à ses risques et périls et je ne sais pas ce qu'il est devenu. Mais, c'est quand même odieux quand tu es diplômé d'une université et que tu reviens et qu'on fait semblant de ne pas te connaître, ça fait mal. " L'université Paul Sabatier (appelée aussi Rangueuil) a, pour sa part, apporté des aides ponctuelles. Il en est ainsi de l'inscription d'un professeur en chirurgie osseuse à la faculté de médecine.
Mais l'Université Toulouse - le - Mirail s'est investie considérablement dans l'aide aux réfugiés algériens. Cette tradition d'accueil et d'aide aux étudiants étrangers est ancrée dans le passé de l'université. Même si de nombreux membres d'Ayda enseignent ou ont enseigné au Mirail (ce qui a certainement facilité les interventions), plusieurs professeurs et l'équipe administrative (service des étudiants étrangers, secrétariat des UFR Unité de Formation et de Recherche…) ont apporté un soutien capital à ces démocrates. Le président Maillos puis son successeur Romain Gaignard ont permis grâce à leur engagement officiel, l'inscription de plusieurs algériens. L'université a exonéré de frais d'inscriptions (montant élevé) les exilés. Elle a facilité l'obtention d'équivalences de diplômes sur le plan pédagogique, en inscrivant plusieurs personnes en licence ou en maîtrise et a même distribué quelques bourses d'études. Ces actions de solidarité ont permis à de nombreux démocrates de pouvoir obtenir une carte de séjour mention " étudiant " leur offrant la possibilité de rester en France et de travailler à mi-temps.
La sensibilisation du milieu associatif et syndical à la cause d'Ayda a suscité des aides considérables et parfois essentielles. Elles ont permis de dégager des soutiens indispensables et de rendre visible le combat des démocrates algériens vers des milieux diversifiés.
*Le monde associatif
La politique d'Ayda a été dès le début dirigée vers le milieu associatif toulousain. Elle a réalisé un investissement important et un démarchage presque systématique auprès de très nombreuses associations. Grâce à l'annuaire des associations de Haute-Garonne42 et aux contacts établis lors des manifestations, Ayda a pu très tôt constituer un réseau développé autour de ces initiatives. Lors de chaque manifestation culturelle ou plus politique, une personne lors de l'Assemblée Générale des militants était chargée de contacter les associations et de lancer les invitations. Certaines organisations ont souhaité rencontrer les responsables d'Ayda afin de leur proposer leur collaboration ou de les informer de leurs actions en faveur de l'Algérie43 .
Les associations travaillant autour du thème de l'immigration ont permis d'épauler Ayda lors de ses démarches juridiques et d'apporter un poids supplémentaire à la crédibilité de l'organisation. Le GISTI (Groupe d'Information et de Soutien des Immigrés) a contribué au travail entrepris sur les visas et le droit des étrangers tant sur plan national (publication de la circulaire Pasqua) que sur le plan local. Le MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples) a participé très souvent au côté de la LDH (Ligue des Droits de l'Homme) au combat pour la délivrance des visas. La Cimade (groupe d'entraides protestant) a aussi apporté son aide sur le plan juridique notamment. Ayda a, par l'intermédiaire du CEDIRED, tenu une permanence juridique dans les locaux de cette association. Le Cedired, Centre de Documentation et d'Information contre le Racisme et pour l'Egalité des Droits, agit dans le domaine de l'antiracisme et de la lutte pour l'égalité des droits. Cette association tout à fait particulière a soutenu l'action d'Ayda en lui offrant son aide sur les délicates questions du droit des étrangers. La force de rassemblement qu'a su développer Ayda peut être effectivement perçue par le nombre de partenaires signataires lors de nombreuses initiatives. Elle a permis de réunir autour de la solidarité avec l'Algérie l'ensemble des forces de gauche de la région toulousaine des anarchistes aux sociaux-démocrates. On note la présence de quinze associations lors de la manifestation du 12 février 1997. L'appel " Entendre la voix ignorée des démocrates " lancé sur l'initiative d'Ayda et du Réseau International de Solidarité avec les Femmes Algériennes a, quant à lui, été soutenu par seize associations. Les journées " Pour la démocratie en Algérie " des 13,14 et 15 décembre 1997 ont permis de rassembler vingt-quatre associations. Ce large mouvement de solidarité n'a pu voir le jour que par le travail accompli par les militants d'Ayda.
Outre les démarches effectuées auprès des sections locales d'associations d'envergure nationale, Ayda a travaillé avec les organisations centrées sur l'Algérie. Plusieurs manifestations ont entretenu la collaboration avec les associations défendant la culture amazigh. Le Mouvement Culturel Berbère, mais aussi l'association Sifaw se sont mobilisés au côté d'Ayda lors de l'hommage à Lounès Matoub, elles ont participé à la caravane lors de sa venue à Toulouse en octobre 1998. Elles ont coorganisé quelques débats et projections de films sur cette culture. Le Mouvement Culturel Berbère a invité Ayda a participer à une journée d'échanges culturels franco-berbère le 14 octobre 1995 à Labarthe sur Lèze. L'association Atlas a été créée par un ancien membre d'Ayda (Zoubir) qui a gardé des contacts avec son ancienne association et l'a plusieurs fois conviée à ces manifestations. Elles ont aussi organisé en commun l'hommage au chanteur Kabyle assassiné par les islamistes en juin 1998.
La Fédération des Œuvres Laïques de Haute-Garonne a abrité plusieurs conférences-débats d'Ayda en lui prêtant gratuitement sa salle réunion. Cela a été ainsi le cas lors de la venue de Rachid Boudjedra en mai 1995 ou encore de la projection du film d'Ali Akika " L'Algérie dévoilée " en hommage à Mohamed Amzert. La FOL a été partenaire d'Ayda lors des journées pour la démocratie en Algérie en décembre 1997.
Les relations tissées par Ayda durant ces six ans se sont déployées principalement autour de ses thèmes d'activités principaux. La lutte pour l'émancipation des femmes s'est structurée autour des interventions d'Ayda en partenariat étroit avec le Réseau International de Solidarité avec les Femmes Algériennes. Créé peu avant Ayda par les mêmes personnes, il a travaillé énormément avec Ayda et a été à l'instigation de plusieurs actions communes. Ce réseau a accueilli plusieurs Algériennes exilées et a constitué une interface génératrice de nombreux projets entre la France et l'Algérie. Cette entraide mutuelle a permis une mise en commun des moyens apportant ainsi, une perception beaucoup plus claire du problème algérien. Ayda a travaillé aussi avec des associations féministes ou s'occupant des droits des femmes. Elle a collaboré à plusieurs reprises lors de manifestations pour la lutte des femmes à Toulouse (notamment lors du 8 mars) avec l'APIAF (Association pour l'Initiative et l'Autonomie des Femmes) qui vient en aide aux femmes battues notamment et qui s'occupe de leur réinsertion. Elle a également participé à certaines réunions de la Gavine association féministe toulousaine.
Son engagement auprès des exilés a amené Ayda à entreprendre des démarches auprès des associations caritatives tels que le Secours Populaire, le Secours Catholique, les Restaurants du Cœur ou encore la Banque Alimentaire. Ces associations, comme on pourra le voir dans la troisième partie, ont contribué de manière essentielle à soutenir les Algériens dans leur exil.
Malgré sa jeunesse, Ayda a su conquérir une respectabilité dans un milieu associatif plus habitué à juger l'efficacité sur la continuité. Cette notoriété a conduit les autres associations à rechercher sa participation dans de nombreux collectifs. On retrouve son nom sur des tracts du collectif toulousain pour l'abrogation des lois Debré en 1997, sur les appels à manifester lors de la venue de membres du Front National (le 25 février 1997 meeting de Bruno Maigret au Sofitel à Toulouse ; le jeudi 5 mars 1998 lors de la présence de Jean-Marie Le Pen à la salle Jean Mermoz). Elle a soutenu le collectif des Sans-Papiers depuis sa création en 1997 et prêté sa signature à leurs nombreuses initiatives. On aperçoit de rapides allusions à ces différentes participations dans les compte-rendus des Assemblées Générales de militants. D'autres projets, comme Ville Habitée par exemple, ont sollicité l'appui d'Ayda.
L'association Ayda a su s'intégrer dans le réseau associatif toulousain en élaborant des échanges et des solidarités concrètes. Les idées qui président à la gestion du Centre Autogéré Social et Culturel dans lequel Ayda partage son local en sont un exemple. La charte adoptée en septembre 1998 démontre cet état d'esprit " … Nous nous engageons à faire de cet endroit un lieu d'ouverture et de débat afin que se croisent et se développent les réseaux de solidarité sur la ville. … Nous tenons à construire des projets avec toutes celles et ceux qui partagent nos objectifs, avec le monde associatif, le monde du travail, les syndicats et tous les acteurs sociaux et culturels qui agissent dans les luttes contre l'exclusion et pour la défense au niveau local, national ou international car les systèmes générateurs d'exclusion et d'inégalité n'ont pas de frontières. L'espace de nos luttes doit s'élargir, l'Europe se construit et c'est à son échelle qui nous devons organiser le combat civique44 . " Ayda partage son local avec l'association ATTAC et l'association Guernica. Le CASC fonctionne ainsi depuis 1998 et accueille plusieurs autres associations.
* Le monde Syndical
Ayda a entretenu des relations multiples avec les syndicats toulousains. Elle a travaillé avec les grandes centrales françaises à l'exception de Force Ouvrière(FO). Les appels et les initiatives dont elle a été à l'origine ont été signés par les unions départementales de la CGT (Confédération Générale du Travail), de la CFDT (Confédération Française Démocratique du Travail), des syndicats SUD (Solidaire, Unitaire, Démocratique) Groupes des Dix mais aussi des syndicats de l'éducation nationale, la FEN (Fédération de l'Education Nationale) et de la FSU (Fédération Syndicale Unitaire). Ils ont été soutenus par les syndicats étudiants AGET-UNEF (Association Générale des Etudiants de Toulouse Union Nationale des Etudiants de France) UNEF-ID (Union Nationale des Etudiants de France - Indépendante et Démocratique) et SUD-étudiants45 .
Ayda a élaboré une collaboration avec la CGT dans le cadre d'un programme de formation de formateurs syndicalistes de l'UGTA (Union Générale des Travailleurs Algériens) de Tiaret. Elle a été mise en place grâce aux liens que certains adhérents entretenaient avec la CGT 31. Cependant les liens étroits qu'a maintenu la CGT avec l'UGTA centrale d'Alger ont engendré un affaiblissement des rapports entre les deux unions régionales. En effet, l'UW-UGTA de Tiaret46 n'était pas dans la ligne politique d'Alger et l'UD-CGT 31 a distendu ses liens en partie à cause de ces difficultés. On retrouve dans les compte-rendus de réunions des invitations de la part de l'UD-CGT à un repas débat à Ramonville en décembre 1995. Ayda a participé à la Fête de la Confédération qui s'est tenue les 23 et 24 septembre 1995 à Mondoville, sous le signe du centième anniversaire de la centrale syndicale. A cette occasion, elle a tenu un stand pour faire connaître son action et mettre de la documentation et des ouvrages sur l'Algérie à la disposition des visiteurs. Cette centrale syndicale s'est investie dans le mouvement de solidarité avec l'Algérie. Dans le département de l'Ariège, la CGT a participé au collectif d'entraide avec les algériens et a recueilli lors d'une de ces réunions 2 300 francs qu'elle a reversés à Ayda. Son secrétaire Général, Monsieur Blanco a facilité la venue de certains algériens à Toulouse, en apportant une garantie d'invitation aux yeux des responsables du service des visas à Nantes. Cependant malgré les moyens dont disposait cette centrale, la collaboration avec Ayda est apparue peut-être un peu faible par moment. Le projet de la caravane pourtant très porteur n'a pas vu la CGT Toulouse s'investir énormément.
Ayda (de part la diversité politique de ses membres) a toujours désiré garder sa liberté d'action et n'a jamais voulu se lier à un parti politique ou un syndicat. C'est pour cela qu'elle a également souhaité travailler avec la CFDT. Cette dernière a été interpellée par la crise algérienne et s'est investie dans des actions de solidarité, en témoigne la publication d'un article dans leur bulletin régional ; CFDT Midi-Pyrénées Info n°105 sept 95 : femmes en résistance en Algérie. Elle a fait parti du collectif pour l'accueil en France des demandeurs d'asiles et exilés algériens47 . L'union régionale de la CFDT a dans les colonnes de son bulletin fait paraître des textes d'Ayda appelant à soutenir l'association. Dans un article de la Dépêche du Midi daté du 8 mai 1998, on apprend que la secrétaire régionale du syndicat CFDT s'est rendu à Alger pour officialiser l'accord conclu avec l'UGTA-Tiaret pour développer un partenariat entre ces deux centrales. Cette collaboration, en réaction à l'investissement de la CGT, a porté sur la formation des femmes syndicalistes afin de souligner d'avantage sa spécificité.
La collaboration avec les syndicats SUD s'est effectuée sur des bases beaucoup plus légères. Plus marqués politiquement à gauche (extrême gauche), s'est peut-être pour cela qu'Ayda n'a pas autant travaillé avec eux. Le partenariat entre l'UGTA de Tiaret et SUD a été proposé par Ayda mais n'a pas eu de concrétisation pour diverses raisons.
c) Le monde politique
Depuis de sa création le 22 mars 1994, Ayda a posé comme principe de fonctionnement, l'indépendance vis à vis de tout parti politique ou idéologie. Elle est restée vigilante afin de ne pas devenir le porte-voix d'une fraction du mouvement démocratique algérien. Elle a du faire face aux difficultés inhérentes engendrées par les rapports avec les partis politiques (récupération…). Ayda a essayé de diversifier ses relations avec les organisations politiques toulousaines mais elle n'a travaillé qu'avec la gauche. Il est évident qu'elle n'a pas eu de contact avec l'extrême droite qui draine une idéologie raciste, xénophobe et fascisante contraire aux principes de démocratie et de tolérance. Mais il n'est fait aucune mention d'une démarche auprès de l'UDF (parti centriste) modéré dans ses prises de positions. Peut-être que les refus d'aide enregistrés de la part de la mairie de Toulouse et le Conseil Régional Midi-Pyrénées, dirigés par les centristes, n'a pas incité Ayda à présenter son action.
Des relations privilégiées ont été établies dès le début, avec la fédération du Parti Socialiste de Haute-Garonne. En effet, ce dernier a invité Ayda à exposer ses activités lors d'un bureau fédéral (instance dirigeante du parti) et l'association a sollicité leur aide par exemple dans le cadre des demandes de visas. Pendant cinq ans, Ayda a été logée par la sénatrice socialiste qui a laissé à Ayda son entière liberté. Mais cela a permis de faciliter les relations. En effet, de nombreux militants du Parti Socialiste se sont mobilisés en faveur de l'association, en apportant une aide matérielle par exemple (dons d'appareils ménagers, d'ustensiles de cuisines, de meubles, vêtements…). Monsieur Saïd Bessaïa, attaché parlementaire de Marise Bergé-Lavigne, signale cet engagement conséquent. Outre l'action des militants, le parti lui-même, a par l'intermédiaire du Conseil Général de Haute-Garonne permis le financement d'Ayda (C'est ainsi que Geneviève Azam le présente : " C'est le PS qui nous a financé " dans un entretien le 9 mai 2000.). En effet, la majorité départementale est issue des partis de gauche et la première force est constituée par le Parti Socialiste. Même si des liens importants ont été établis entre ces deux organisations, leurs opinions politiques sur la crise algérienne divergeaient. En effet, le Parti Socialiste s'est prononcé en faveur des Accords de Rome conclu entre autre par le FFS (Front des Forces Socialistes) membre de l'Internationale Socialiste, alors qu'Ayda a développé la thèse contraire. On constate ainsi que l'association d'aide aux démocrates algériens a respecté ses engagements et sa ligne de conduite.
Les relations avec le Parti Communiste Français ont été beaucoup plus problématiques. Ce parti avait monté un comité de soutien aux démocrates algériens en octobre 1994 alors qu'Ayda existait depuis 8 mois. On retrouve dans les compte-rendus d'Assemblées Générales des militants en date du 24 janvier 1996, le compte rendu de l'entrevue réalisée à titre personnel par Mohamed Bahrour au siège du PCF 31. Ce dernier se plaint du manque d'ouverture d'Ayda envers ses actions et propose son aide à l'association. Cependant le passé militant de ce parti engendre des hésitations de la part d'Ayda qui rappelle son attachement à sa liberté de fonctionnement et de pensée. Finalement il est convenu d'attendre une lettre officielle de la part du PCF afin de les recevoir. Lors d'une autre réunion (le 21 février 1996), les relations avec le PCF sont posées en ces termes : " Problème PCF ". Une discussion s'en suit où il est réaffirmé qu'Ayda " n'a aucun lien organique avec aucun parti ". Ces interventions dénotent les difficultés entre ces deux organisations. Cependant les invitations répétées du PCF ont débouché entre-autre pour Ayda sur la possibilité de s'être vu offert (600 francs) un stand lors de la fête de l'Humanité, au parc de la Mounède, à Toulouse en 1996, 1997 et 1998. Ces méfiances à l'égard d'un parti politique tel que le PC, ont aussi pris corps lors d'un meeting co-organisé par Ayda et le PC à la librairie " Renaissance " à Toulouse qui s'est très mal passé, de part les tentatives de récupérations exercées par cette organisation politique. Le débat à été confisqué au profit des membres invités par le PCF, ce qui n'avait pas été prévu ainsi. La position de critique unique des islamistes du PCF48 n'a pas non plus permis d'établir une collaboration sereine entre les deux organisations.
Ayda a développé des rapports très limités avec les autres représentants de la gauche française à Toulouse. Certains, comme Les Verts ou encore la Ligue Communiste Révolutionnaire, ont été signataires des appels et ont participé à certaines initiatives organisées par Ayda. La LCR, présente à Toulouse, n'a pas adopté de position claire sur la crise algérienne. Deux courants cohabitaient au sein de leur organe officiel le journal ROUGE ! L'un, au nom de l'antistalinisme était opposé aux éradicateurs et développait une bienveillance aux accords de Rome et l'autre s'opposaient à la plate-forme de Sant Egidio. Ayda n'a pas travaillé officiellement avec la LCR notamment à cause de cette position ambiguë et bicéphale de l'organisation troskiste. Elle a cependant pu établir des contacts avec certains objecteurs de conscience et quelques militants appartenant à ce parti politique. Le parti groupusculaire d'Arlette Laguiller, Lutte Ouvrière de part sa philosophie politique et ses pratiques n'a jamais voulu signer un tract unitaire. Cependant, les thèses défendues par ce parti ont été proches de Ayda dans la mesure où il a émis une critique sévère, tant vis à vis du pouvoir algérien que sur les islamistes.
Les relations politiques développées par Ayda ont entraîné parfois l'interrogation de ses militants. Par exemple on peut lire dans un texte signé M.S. et daté du 19 août 1995 " J'en arrive maintenant à un point important, celui de l'autonomie d'Ayda, qui n'est pas réglé. Le danger qui guette Ayda est de se transformer en tribune d'un parti ou d'une sensibilité politique particulière. Le problème des rapports avec les forces politiques reste posé et exige une vigilance permanente. La coopération avec certains partis, par exemple le PCF, les Ecologistes, Radical, le mouvement des citoyens, etc. reste minime, voire inexistante et souvent teintée d'ambiguïté, quand elle n'est pas tout simplement laissée à l'initiative personnelle. L'expérience a montré que le sectarisme n'aboutit qu'à la dispersion des forces, qui finit dans l'isolement et le discrédit. L'Algérie a besoin de toutes les forces vives françaises. "
Les relations avec les partis politiques n'ont pas constitué les seuls liens avec le monde politique. En effet, Ayda en collaboration avec le Réseau de Solidarité avec les Femmes Algériennes a publié une lettre ouverte aux candidats à l'élection présidentielle et aux élections municipales en mai 1995. Elle interpelle les futurs élus par le biais d'un questionnaire (9 interrogations) abordant plusieurs thèmes dont le problème des visas, les lois Debré, le statut des réfugiés algériens, les rapports Nord/Sud ou bien encore le soutien au mouvement de solidarité avec l'Algérie. Cette lettre a été publiée notamment dans la gazette Utopia et la Dépêche. Les résultats ont été rendus publics par ces deux associations.
d) Le monde culturel
Les institutions et les personnalités culturelles toulousaines se sont considérablement investies au côté d'Ayda. Elles ont fait preuve d'une solidarité généreuse en faveur des exilés algériens. Attachées aux idées de démocratie, de tolérance et de respect de la personne humaine, elles ont organisé plusieurs manifestations à Toulouse et dans ses environs.
Le cinéma Utopia, atypique dans le paysage toulousain, est connu pour son engagement à gauche (voire parfois plus loin). C'est une salle d'art et essai qui programme de nombreux films et établit sa programmation sur un mois. Elle fait partie du réseau Utopia dont la maison mère se trouve en Avignon. Elle a aidé Ayda au cours de 3 années en lui offrant un espace de débat lors de projection au bénéfice de l'association. Ces séances étaient organisées tous les mois et Ayda pouvait proposer un film (par exemple Bab El Oued City de Merzak Allouache). Elle ouvrait les colonnes de sa célèbre Gazette aux textes d'Ayda qui à son tour afin de la remercier pour ce soutien capital lui a donné la possibilité de s'exprimer dans ASMA. La Cinémathèque de Toulouse, temple du cinéma, a réalisé une soirée en partenariat avec Ayda en mars 1999 sur le thème des enfants et de l'exil. Elle a auparavant organisé avec Ayda, dans les locaux du Centre Régional de Documentation Pédagogique, une projection débat autour du film " octobre à Paris " de Jacques Panigel, sur la manifestation du 17 octobre 1961.
Les théâtres toulousains ont accueilli Ayda lors de manifestations ou bien leur ont prêté la salle afin d'organiser des conférences. Le théâtre Garonne (institution privée) a abrité la soirée en hommage à Abdelkader Alloulla et Rabah et Ahmed Asselah. Le théâtre du Pavé a pour sa part, programmé une pièce intitulée " Algérie en éclat " en janvier 1998. Le théâtre Sorano, Théâtre National de Toulouse Midi-Pyrénées, a prêté gracieusement la salle lors de plusieurs représentations dans le cadre des trois journées pour la démocratie en Algérie les 13/14/15 décembre 1997 ou bien lors du récital de piano d'Hakim Bentchouala-Golobitch.
Les librairies toulousaines ont aussi participé à cet élan de générosité. Ombres Blanches a permis à Ayda d'accueillir la conférence de Rachid Boudjedra en mai 1995 par exemple. La librairie " Renaissance " prés de Basso Cambo a, quant à elle, ouvert les portes de son forum lors d'un débat sur la situation sociale et économique en Algérie le jeudi 13 février 1997.
Le groupe musical emblématique de Toulouse s'est, pour sa part très fortement investi au côté des réfugiés algériens. ZEBDA ou sous la forme du Tackticollectif ou de Motivés, a organisé plusieurs concerts de soutien aux démocrates en exil (par exemple les soirées au Bikini des 21 et22 décembre 1996 ou bien la soirée à Cahors en mars 1998) et a reversé une partie de ses recettes à Ayda. Ils ont été partenaires d'initiatives réalisées par Ayda notamment lors des journées pour la démocratie en Algérie des 13/14/15 décembre 1997. Asma leur a donné une tribune dans le numéro 2 du mois de décembre 1995 sous le titre : " La parole à … Zebda ; Zebda au-delà des frontières, comme quoi ça bouge au nord "
Le pianiste Hakim Bentchouala-Golobitch, établi prés de Toulouse, a offert un récital de piano le 28 avril 1995 au théâtre Sorano. Ce concertiste, de renommée internationale, s'intéresse au répertoire de la musique contemporaine. Pour cette soirée de soutien (les places étaient en vente à l'office de tourisme et à la FNAC (70 francs) ) il avait choisi d'interpréter des œuvres de Debussy, Liszt, Schumann et Barber. La recette a été versée intégralement à Ayda.
Ayda a su grâce à l'efficacité de son travail militant s'introduire et prendre sa place très vite dans le milieu toulousain. Ce dernier à plus ou moins répondu à ces sollicitations mais de très nombreuses initiatives de soutien sont venues du monde culturel qui a permis à Ayda de continuer son combat. Les réfugiés algériens leurs en sont très reconnaissants : " les institutions ont failli, mais c'est les citoyens, les associations et les institutions universitaires et culturelles qui ont aidé. Les institutions de type politique à part le Conseil Général nous ont laissés tomber49 . "
e) Le cas particulier de Marise Bergé-Lavigne
Cette sénatrice socialiste de Haute-Garonne a joué un rôle capital dans la fondation et le développement d'Ayda. Elle a fourni à l'association une logistique et un lieu de permanence, point de départ de tout militantisme. La transmission de l'information nécessite un matériel, même minimal, sans lequel il est impossible de diffuser des idées. Ainsi Marise Bergé-Lavigne a mis à la disposition d'Ayda un bureau Avenue de Muret (lieu de sa permanence), une salle de réunion et l'ensemble du matériel informatique ainsi que les moyens de communications tels que le fax, le téléphone. Sollicitée par des relations de Geneviève Azam, elle a répondu à l'appel d'Ayda, afin de leur permettre d'assurer leur développement. Militante de terrain, son engagement en faveur d'Ayda ne s'inscrit pas dans le cadre de ses activités politiques au sein du Parti Socialiste. Elle a fait du combat pour les droits de l'homme une constante dans son parcours politique. Très attachée à la démocratie, elle a répondu favorablement à Ayda, inscrivant ce geste dans la continuité de son action. Son attaché parlementaire Monsieur Saïd Bessaïa explique que cet acte généreux ne s'appuie pas spécifiquement sur la question " Algérie " et toutes les connotations qui s'y rapportent mais plutôt sur une réaction à la violation des droits de l'Homme dans ce pays. Il insiste sur le fait qu'elle aurait pu aider d'autres associations si le cas s'était présenté sur ce thème et non spécifiquement sur l'Algérie. Lorsqu'elle a déménagé à Colomiers en 1998, Ayda a du changer de local. Marise Bergé-Lavigne est apparu très discrète durant ces quatre ans de soutien à Ayda. Afin de garantir l'indépendance de l'association, cette sénatrice de Haute-Garonne a fait enlever sa plaque à l'entrée de la permanence et a ôté le message de bienvenu du répondeur téléphonique annonçant à l'interlocuteur le bureau parlementaire. Cette délicatesse et ce soutien capital ont été soulignés par l'ensemble des militants d'Ayda qui en parlent en des termes élogieux. Son attaché parlementaire s'est investi au sein d'Ayda en apportant une aide conséquente, tant sur le plan politique, que sur le plan des visas. En effet, de nombreuses traces de demandes de visas sont consultables dans les archives pour lesquelles des membres d'Ayda sollicitent Monsieur Saïd Bessaïa afin de pouvoir débloquer une situation épineuse. On retrouve également dans le compte-rendu de l'Assemblée Générale des adhérents de 1995 l'aide apportée par la sénatrice dans le cadre des visas : " Les visas obtenus l'ont été grâce à l'aide de Madame Bergé-Lavigne ". Son attaché parlementaire a joué un rôle important, en assurant une partie de la logistique de l'association, lorsque ses permanences n'étaient pas assurées. Marise Bergé-Lavigne a permis de part son action, d'offrir à Ayda la possibilité de présenter ses orientations et ses réalisations devant le bureau fédéral du Parti Socialiste. Cependant, parallèlement et paradoxalement à la position qu'avait adopté ce parti lors de la conférence de Sant Egidio (en contradiction avec la position d'Ayda), elle a continué à soutenir cette cause. L'originalité de ce soutien dans le monde politique n'apparaît pas dans les archives et s'est au cours des entretiens avec les membres d'Ayda qu'on s'aperçoit de l'aide primordiale que cette sénatrice a apporté. Elle est intervenue par exemple par un soutien financier lors du forum des artistes et intellectuels algériens organisé à Paris les 23 et 24 septembre 1995. Elle a exercé sa générosité et a prouvé son attachement aux droits de l'Homme en laissant à disposition sans limitation de frais les moyens de communications de sa permanence. L'équipement informatique a été gracieusement prêté afin de faciliter la mise en maquette des tracts, des publications ou plus simplement l'envoi des fax ou communiqués de presse d'Ayda. Cette action au cours de ces quatre années a été vitale pour Ayda et lui a apporté un soutien vital à son fonctionnement. Monsieur Saïd Bessaïa, qui s'est investi un temps dans Ayda, rapporte des anecdotes intéressantes sur la vie de l'association. Par exemple il expliquait que quand il passait le soir tard, les lumières étaient encore allumées et qu'Ayda travaillait encore. Il raconte aussi le déroulement de certaines réunions auxquelles il a assisté, travaillant à côté. Les discussions sur les orientations politiques n'en finissaient pas et la diversité des points de vue amenait parfois à certaines crises. Lors du départ de Maris Bergé-Lavigne à Colomiers, il explique que le local n'était plus trop occupé car de nombreuses crises internes avaient ralenti les activités de l'association.
L'action de l'une des plus atypique sénatrice de Haute-Garonne a été saluée par l'association et s'inscrit dans son combat pour le respect des droits de l'homme dans le monde. Elle a su par une aide discrète mais efficace relayer et soutenir l'existence et le développement d'Ayda qui lui en est extrêmement reconnaissante.