Les relations franco-algériennes ont été entrecoupées par des moments plus ou moins conflictuels, dus à l'histoire de ces deux pays. Cette destinée commune de 132 ans a entraîné une spécificité sur plusieurs plans et notamment sur le plan juridique. En effet, les accords d'Evian de 1962, puis les accords bilatéraux qui ont suivi placent la législation en matière d'immigration-émigration dans un statut dérogatoire par rapport à la norme appliquée aux autres pays. Cependant, la crise que connaît l'Algérie depuis 1992 a eu pour conséquence non négligeable, le durcissement de la politique d'obtention de visas.
Mais pour cerner, les particularités, les difficultés et les raisons de cette immigration algérienne, il est nécessaire d'établir un bref historique de la crise algérienne. La situation dramatique vécue par ce pays s'inscrit dans le cadre des événements déclenchés par l'interruption du processus électoral le 12 janvier 1992, conséquences directes et indirectes de la politique algérienne depuis l'indépendance.
Après avoir subi plusieurs dominations au cours de son histoire, l'Algérie est colonisée par les Français malgré une résistance acharnée dont celle devenue mythique de l'Emir Abd-El-Kader (1807-1883) de 1830 à 184713.
L'Algérie fut proclamée partie intégrante du territoire français et divisée en 3 départements par la II ème République (1848-1851). Après la parenthèse du Second Empire, la III ème République établit un maillage administratif du territoire et mit en place une politique d'assimilation qui ne donnait nullement les droits de citoyens français aux musulmans, soumis au contraire à une politique d'assujettissement exprimée par le Code de l'indigénat (1881). Le choc physique et moral de la Grande Guerre (1914-1918), l'engagement et le loyalisme des troupes coloniales envers la République entraîna une libéralisation du régime envers les musulmans. Mais l'opposition des colons freina toute tentative de réformes comme celle du gouverneur Viollette (1870-1960). Dans les années trente commence à se dessiner l'évolution qui aboutira, en l'espace de 20 ans au choc violent entre les deux communautés.
C'est parmi les travailleurs émigrés en métropole que Ahmed Messali Hadj (1898-1974) fonda en 1927, le premier mouvement anticolonialiste "l'Etoile Nord Africaine ". Le nationalisme algérien fut assez divers et ses différentes sensibilités joueront un rôle important dans les orientations de l'actuelle guerre civile. On peut noter 3 grandes tendances apparues dans la population algérienne : l'une, traditionaliste, représentée par Ben Badis et le Conseil des Oulémas (fondé en 1931) répandait l'idée d'une patrie algérienne musulmane fondée sur l'islam, la deuxième, celle du Parti Populaire Algérien (PPA, prolongement et succession de l'Etoile Nord Africaine) de Ahmed Messali Hadj luttait pour l'indépendance et la révolution sociale, la troisième, qui trouva sa première expression cristallisée autour de la Fédération des Elus indigènes de Bendjelloul et de Fehrat Abbas (1889-1985), réclamait une authentique assimilation et le droit de citoyenneté française.
La seconde guerre mondiale fit pour un temps, Alger capitale de la France libre, mais les idéaux et les principes de la Résistance n'amenèrent pas le renouveau escompté et la France, patrie des Droits de l'Homme se distingua le 8 mai 1945. Proclamée haut et fort vainqueur de l'horreur nazie, elle ordonna les massacres de Sétif où plusieurs milliers de musulmans périrent.
Le temps du renouveau était marqué par le sceau de l'incompréhension.
La IV ème République ne se dota pas des moyens nécessaires et de la volonté de les imposer pour établir un véritable système démocratique et républicain en Algérie en dépit du nouveau statut élaboré en 1947. Les nationalistes algériens comprirent alors qu'ils n'avaient plus de recours que dans l'insurrection armée. Des dissensions internes dans le camp nationaliste provoquèrent une scission baptisée le Comité Révolutionnaire d'Unité et d'Action (CRUA) qui, réuni secrètement à Alger, le 10 octobre 1954 décida le déclenchement de l'insurrection le 1er novembre 1954.
L'Algérie plongeait alors dans une guerre qui cachait son nom et qui eu de très lourdes conséquences sur les 2 pays et leur population. Relater ici la guerre d'Algérie serait trop long et n'entre pas exactement dans la teneur de nos propos14.
Après la signature des accords d'Evian le 18 mars 1962, l'Algérie est proclamée indépendante le 3 juillet suivant. Organe directionnel de l'Etat, le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) tente de poser les bases d'une nation nouvelle. Marqué par des luttes intestines importantes le GPRA voit son pouvoir confisqué entre les mains du "groupe de Tlemcen " et d'Ahmed Ben Bella soutenu par le colonel de l'Armée de Libération Nationale (ALN) Houari Boumédienne. Commence alors une politique planifiée de restriction des Libertés pour arriver au parti unique tout puissant : le FLN (Front de Libération Nationale). Les opposants sont mis en prison (Hocine Aït Ahmed qui crée en septembre 1963 le Front des Forces Socialistes FFS) ou contraint à l'exil (Mohamed Boudiaf qui crée en septembre 1962 le Parti de la Révolution Socialiste PRS) et le multipartisme est interdit.
a) Une ouverture démocratique au prix de révoltes durement réprimées.
Le pays subi une très forte démographie qui entraîne le doublement de la population en l'espace de 15 ans. Les structures ne sont pas et n'ont pas été prévues et adaptées à de tels bouleversements. Il en résulte un accroissement des inégalités sociales tant sur le plan du logement que sur l'accès aux produits alimentaires ou à l'éducation. Cette situation, débutée sous les années Boumédienne (1965-1979) s'aggrave de manière plus flagrante sous le régime de Chadli Bendjedid15. Les difficultés économiques se doublent de problèmes identitaires que l'état a niés. En avril 1980, éclatent les émeutes de Tizi-Ouzou plus connues sous le nom de "Printemps Berbère ". Ce cri de révolte sera terriblement réprimé par l'armée. Le "Printemps Berbère " a secoué fortement l'édifice institutionnel et idéologique algérien ; remettant en cause l'unanimisme étatique en posant au centre des préoccupations culturelles la pluralité linguistique (arabe, berbère et français). Cependant, les changements espérés ne s'annoncèrent qu'à partir de 1988.
Les "émeutes de la semoule16" comme cela fut perçu en Occident apparurent pour la grande majorité des Algériens comme leur "Chute du mur17 ". Cette démocratisation du régime tant attendue et voulue par ces "émeutiers " d'octobre 88 fut bien vite stoppée en 1991 (5 juin) avec le limogeage du Premier ministre Mouloud Hamrouche. Cependant elle a permis l'institution du multipartisme et l'émergence au grand jour de nouvelles forces politiques telles que le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD créé par Saïd Sadi le 9 février 1989), le FFS (légalisé le 20 novembre 1989) mais aussi le Front Islamique du Salut (FIS légalisé le 6 septembre 1989 et créé par Abassi Madani et Ali Benhadj). Ce parti religieux proclamant la volonté d'établir une république islamique en Algérie se posa en alternative à l'état-FLN. Basé sur un nationalisme fort et bâti sur une alliance étroite entre le FLN et l'ANP, le régime algérien des années 80 s'est vu attaqué par ses propres acteurs. La corruption, la trop grande timidité des réformes, l'esquisse de démocratie mais aussi les difficultés économiques liées à la chute du prix du baril de pétrole (notamment à partir de 1986), entraînant une considérable diminution des principales recettes fiscales du régime ont aggravé le délitement de l'état.
Le FIS, par l'intermédiaire de ses dirigeants (Madani et Benhadj), de leurs discours et du réseau des mosquées établi à travers tout le pays, a su au cours de ses 2 années d'existence officielle démontrer sa capacité à capitaliser le désarroi de cette société en mutation. Crédité de 55% des suffrages exprimés18 lors du premier scrutin libre de l'Algérie indépendante, ce "nouveau " parti a remporté les élections municipales. S'appuyant sur les étudiants et les diplômés au chômage, les cadres déçus, les petits fonctionnaires en voie de paupérisation mais aussi les commerçants, les leaders islamistes pensent que leur avènement est proche et déclenchent une grève générale en mai 1991 afin de repousser les élections présidentielles leur permettant d'accéder à la plus haute fonction de l'Etat. Ce sont les prémices de ce que va connaître l'Algérie six mois plus tard avec l'interruption du processus électoral en janvier 1992 après le 1er tour des élections législatives remporté par le FIS (47,3% des suffrages exprimés et 188 sièges des 430 à pourvoir19 ).
b) 1992 : Un coup d'état déguisé aux graves conséquences.
Cet arrêt brutal du processus de démocratisation entraîna de nombreuses réactions pacifiques de la part des algériens à l'appel notamment du FFS organisant une manifestation de quelques 300 000 personnes avec pour mot d'ordre "ni état policier, ni république intégriste ", pour "la sauvegarde de la démocratie20". Malgré ce sursaut populaire et les protestations qui ont émergé dans le pays, le Haut Conseil de Sécurité (HCS) organisme consultatif prévu par la constitution, démit le président Chadli Bendjedid et institua un Haut Comité d'Etat (HCE) mandaté pour diriger le pays jusqu'en décembre 1993.
L'armée, qui a pris de fait le pouvoir, fait appel à l'imaginaire mythique en référence à l'acte fondateur de la guerre de libération en nommant Mohamed Boudiaf à la présidence du HCE. Chef historique de l'indépendance, Mohamed Boudiaf a soulevé un espoir dans la population et en particulier chez les jeunes en essayant de s'attaquer au système établi reposant pour une part sur la corruption à haut niveau. Son assassinat le 29 juin 1992 à Annaba fait franchir une marche supplémentaire dans l'escalade de la violence en Algérie. Au cours de l'année 1992, l'état se dota de pouvoirs spéciaux pour faire face et réprimer le terrorisme -exemple le décret-loi du 30 septembre sur "la lutte contre le terrorisme et la subversion " qui fixe à 16 ans, au lieu de 18, l'âge de la responsabilité pénale pour les crimes relevant du terrorisme-. Les responsables nationaux du FIS A. Madani et A. Benhadj sont condamnés à 12 ans de réclusion. Les mairies contrôlées par le FIS sont dissoutes en décembre et le couvre-feu est instauré dans la région d'Alger, et dans les wilayas de Blida, Boumerdes, Tipasa, Bouira, Médéa et Aïn Defla.
Contrairement à ce que l'on aurait pu supposer les 3 millions d'électeur du FIS n'ont pas pris le maquis en nombre élevé. Luiz MARTINEZ explique cette situation à priori paradoxale par la diversité sociologique de ses sympathisants. Les maquis islamistes de la Mitidja s'organisant autour d' "émirs " et instaurent un climat de guerre et de terreur dans la couronne algéroise où les forces militaires ont perdu le pouvoir sur le terrain.
L'année 93 voit les premiers attentats visant des personnalités civiles, des intellectuels commis par les Groupes Islamiques Armés (GIA). L'écrivain et journaliste Tahar Djaout est assassiné le 26 mai en plein cœur d'Alger. Cet acte odieux a soulevé des émotions intenses au sein de la communauté internationale. Ces premiers assassinats ont précipité le départ de nombreux intellectuels algériens. En 1993, il y a avait 17900 cadres et intellectuels à l'extérieur de l'Algérie alors qu'ils étaient 2 500 en 1984. L'état algérien est au bord de la banqueroute de part la diminution des revenus du secteur pétrolier. Face à ce nouveau développement de contestation du pouvoir et de sa légitimité, l'armée, le HCE avec à sa tête Ali Kafi (chef historique de l'indépendance) observent un temps de réaction et d'adaptation pour développer des moyens de lutte efficaces. L'influence et l'autorité des "émirs " sur le plan micro-économique et micro-moral sont grandissantes chez les jeunes qui se surnomment les nouveaux "Moudjahidin ". Ils pratiquent le "Djihad " : la guerre sainte. Ils s'identifient aux combattants de la guerre d'indépendance en associant la symbolique de leur combat dans la continuité de la lutte de libération qui, selon eux, n'a pas été achevé. Ils rejettent la démocratie, la souveraineté du peuple car seule la Charria a pour eux force de loi.
Mais le régime parvient à survivre à l'épreuve du "Djihad ". Renfloué financièrement grâce au rééchelonnement de la dette accordé par le Fonds Monétaire International (FMI) à partir de la fin de 1994, il modifie en sa faveur le rapport de forces contre les groupes armées et organise une élection présidentielle le 16 novembre 1995. Il donne ainsi l'impression sur le plan national et international de recouvrer une légitimité qu'il avait perdue en 1992. Cependant, les dissensions au sein de l'armée - détentrice du pouvoir - apparaissent d'une manière plus exacerbée après cette échéance électorale. En effet, Liamine Zéroual, sorti vainqueur du scrutin, se distingua de la junte qui le soutint en appelant à la "rahma " (clémence) sur les "égarés " (maquisards) en rupture avec la politique d'éradication prônée jusqu'alors.
c) Sant'Egidio : une recomposition du mouvement démocratique
Mais l'opposition démocratique n'en est pas pour le moins unie. En effet, après avoir refusé de participer à la " conférence nationale " en janvier 1994 les principaux partis algériens excepté le RCD et Ettahadi (FLN - FIS - FFS - MDA - PT- Ennahada - LADDH - JMC) se rencontrent à Rome sous l'égide de la communauté de Sant'Egidio pour élaborer une plate-forme d'opposition prônant la réconciliation. Les signataires de ce "contrat national " appelèrent à boycotter l'élection présidentielle de novembre 1995 considérant assister à une mascarade de démocratie. Cependant, l'accord de Rome signé le 13 janvier 1995 amena une recomposition du mouvement démocratique algérien et des prises de positions de la part de la communauté internationale cautionnant pour beaucoup cette alliance pour le moins hétéroclite. La question se pose toujours de savoir si l'instauration de la démocratie en Algérie passe ou nom par une union avec les islamistes, l'ancien parti unique, pour garantir la paix au pays. La démocratie conduit-elle à la paix ou bien la paix doit-elle être posée comme préalable à tout changement politique ? Cette question cruciale provoqua une large fracture et une divergence de stratégie tant en Algérie qu'au sein du mouvement de soutien aux Algériens démocrates en France.
Pendant ce temps les massacres et attentats continuent et les moyens répressifs de l'état sont amplifiés. La création des "ninjas " (Groupe d'Intervention et de Surveillance) et la modernisation à marche forcée des administrations et de l'armée (informatisation, services en réseaux…) doublée de la mise en place des Groupes de Légitimes Défense (GLD sorte de milice paysanne d'autodéfense) permet de disposer d'avantages concrets dans la guerre psychologique que mène le régime. Il en est un qui est de taille pour restaurer la confiance des citoyens envers les institutions ; des réformes sociales portant sur le logement sont entreprises et des emplois "politiques " (carrières revalorisées dans les forces de sécurité par exemple) sont proposés spécialement aux jeunes. S'installe alors à partir de 1994 une économie de guerre, opportuniste entraînant une reprise en main du pays par le pouvoir et l'armée. Cette guerre civile apparaît comme un phénomène conjoncturel mettant aux prises des acteurs en rivalité pour le contrôle de l'état et se servant de la violence comme un mode d'accumulation de richesses et de prestige.
Un semblant de processus démocratique est mis en place avec le vote référendaire d'une nouvelle constitution le 28 novembre 1996 et la tenue d'élections législatives et municipales (1997) remportées par le RND, parti du pouvoir créé pour la circonstance. Dans le même temps, les violences et les assassinats atteignent leur paroxysme au cours de l'été avec les massacres à grande échelle dans les banlieues d'Alger (Raïssa et Beni Messou où il y eut plus de 300 morts par exemple). Ces atrocités soulevèrent plusieurs questions à propos de leurs commanditaires au-delà de la polémique sur la réaction des forces de sécurité enfermées dans leurs casernes pendant les massacres. Mais un fait nouveau apparaît vers une résolution du conflit quand l'AIS (branche armée du FIS) lance un appel à la trêve le 21 septembre 1997. L'ANP a mis en place un processus de discussion avec l'AIS afin de morceler la guérilla et d'isoler les GIA dans leur lutte contre le régime. Mais cela permet aussi à l'AIS de se présenter comme le représentant valable et le recours possible dans une perspective à long terme de réconciliation nationale. De plus, apparaît aux yeux des islamistes, le fantôme du FIS et son hypothétique réhabilitation par le pouvoir.
Les élections municipales du 23 octobre 1997 déclenchent des manifestations de l'opposition à Alger pour dénoncer la fraude massive instaurée par le régime, confortant ainsi l'image des illusions démocratiques. Cependant les violences et les massacres ne faiblissent guère dans leur intensité et redoublent même à l'approche du Ramadan faisant plus de 1 000 victimes. L'opinion internationale indignée par la multiplication de ces tueries réagit sur le plan diplomatique ce qui se traduit par la visite d'une délégation de l'Union Européenne en mission à Alger en février suivi d'une délégation de l'ONU du 22 juillet au 3 août 1998. Des rapports sont établis et publiés n'entraînant aucune sanction, mais apportant un soutien dans la lutte contre le terrorisme à l'état algérien.
Le 25 juin, le symbole de la lutte pour l'identité et la culture berbère, le chanteur Lounes Matoub est assassiné par les groupes armés. L'émoi est profond dans la communauté Amazigh, déclenchant des émeutes en Kabylie à caractère antigouvernemental. Cet épisode dramatique place l'Algérie sous les feux de l'actualité durant une courte période.
d) Un espoir de paix : les élections présidentielles d'avril 1999
La crise au sein du pouvoir est consommée lorsque Liamine Zéroual annonce au mois de septembre sa démission et la tenue d'une élection anticipée définitivement fixée au mois d'avril 1999. Le climat de détérioration économique et sociale entraîne la démission du Premier ministre Ahmed Ouyahia le 14 décembre, terminant l'année 1998 sur des images assez sombres.
1999 s'ouvre sur un espoir de démocratisation réelle, avec le lancement de la campagne présidentielle pour l'élection du 15 avril. La pluralité des candidats assure une diversité et une multiplicité des débats qui permet à l'Algérie de sentir les effluves de la démocratie. Des projets à long terme sont présentés aux électeurs par chacun des 7 candidats tant sur le plan politique, économique, social ou culturel sans oublier la question religieuse, point central au sein de la République Démocratique et Populaire. Les grands partis sont représentés à l'exception du RCD qui boycotte ce scrutin. Hocine Aït Ahmed représentant le FFS voit en cette élection l'occasion de réengager le pays sur la voie du processus démocratique ; Abdelaziz Boutéflika apparaît comme le candidat de l'armée malgré ses déchirements internes ; Mouloud Hamrouche l'ancien Premier ministre initiateur du processus démocratique en 1989 se présente comme une alternative au régime, la tendance islamiste représentée par Abdallah Djaballah et Ahmed Taleb Ibrahimi soutenu par l'ex-FIS, Y. El Kathib héros de la " guerre " et proche de Liamine Zéroual et M. Sifi ancien ministre.
Cet espoir d'un début de normalisation de la vie politique souleva un enthousiasme à la mesure de la déception qu'il a engendré à la veille du scrutin. En effet, devant l'organisation plus que douteuse de cette élection (par exemple des bureaux de vote itinérant supervisés par l'armée, l'absence de photos sur les bulletins de vote…) et protestant contre les tentatives de fraudes à large échelle, l'opposition réunie décide de se retirer et l'annonce lors d'une conférence de presse commune le 14 avril 1999. Abdelaziz Boutéflika est élu officiellement par 73,79 % des suffrages exprimés et un taux de participation s'élevant à 60,25 % des inscrits21. Dés sa prise de fonction, le nouveau président annonce l'élaboration d'une politique de réconciliation nationale baptisée "concorde civile " rendue publique le 4 juillet. Entre temps, les tractations entre l'ANP et l'AIS aboutissent, et le bras armé du FIS confirme officiellement l'abandon de la lutte armée proclamée le 21 septembre 1997 et se place sous l'autorité de l'état. Abassi Madani, de sa prison, apporte son soutien à cette initiative le 11 juin. El-Mouradia (palais présidentiel) engage une sortie de crise et essaye de stopper l'engrenage de la violence en offrant une issue "honorable " à la guérilla. Cette loi sur la concorde civile soumise au parlement puis adoptée par référendum le 16 septembre (98,6 % de oui)22 prévoit une amnistie totale ou partielle pour les islamistes armés non coupables de crimes de sang ou de viols (une période probatoire leur permettait de se réinsérer dans la société). Elle s'adresse à toute la guérilla islamiste de l'AIS au GIA en englobant la LIDD (Ligue Islamique pour la prédication et le djihad) et le GSPC. La date butoir du 13 janvier 2000 est fixée pour les redditions, au-delà une politique d'éradication totale sera mise en place par le pouvoir afin "d'extirper la rébellion " du pays.
Ce succès électoral a été considéré par certains opposants comme destiné à redonner à Abdelaziz Boutéflika une légitimité que son élection ne lui avait pas apportée. Les réditions ont commencé dès le 13 juillet 1999, se poursuivant à des rythmes inégaux selon les régions et les groupes armés. Mais l'assassinat d'Abdelkader Hachani - un des dirigeants de l'ex FIS - le 22 novembre en plein cœur d'Alger dépose quelques grains de sable dans l'engrenage présidentiel. Cela entraîne de plus amples difficultés dans les négociations entre Madani Mezrag (émir national de l'AIS) et le pouvoir et la prise de position d'Abassi Madani déclarant se désolidariser de la politique de concorde civile reniée selon lui par Abdelaziz Boutéflika23 . Ce dernier présente son premier gouvernement sous l'autorité d'Ahmed Benbitour le 25 décembre 1999. Après plusieurs mois de tractations, ce nouvel exécutif apparaît comme un savant dosage entre les différentes formations politiques. Mais la grande et unique nouveauté apportée par Abdelaziz Boutéflika est l'introduction de démocrates à des postes ministériels. Il s'agit de deux représentants du RCD de Saïd Sadi au poste de ministre de la Santé (Amara Benyounès) et de ministre des transports (Hamid Lounaouci). Le RCD présente cette participation comme un soutien "critique " aux orientations démocratiques de A. Boutéflika, sur des sujets presque tabous comme la place de la femme, la refonte de l'école, l'ouverture sur le monde extérieur, la réforme de la justice… Cette entrée au gouvernement permettra selon le RCD de porter l'option démocratique et moderniste dans les institutions. On note l'arrivée d'un autre démocrate Salim Saâdi vice-président de l'ANR (Alliance Nationale Républicaine) connu pour sa farouche opposition à l'intégrisme islamiste24. La politique entreprise est axée sur une modernisation de l'économie algérienne au travers de réformes volontaristes. (Professionnalisation de l'armée et réduction de ses effectifs - accélération des privatisations - développement du partenariat avec des entreprises étrangères - réforme du système bancaire - réforme de la fiscalité - réforme de la justice - réforme du système éducatif…). Abdelaziz Boutéflika garde quant à lui la gestion de la loi sur la concorde civile. Il promulgue un décret le 13 janvier 2000 de "grâce amnistiante " qui prévoit la suspension des poursuites sur les sujets repentis. En échange l'AIS s'auto-dissout et organise la rédition de ses combattants et le déminage de ses camps. Depuis le 13 juillet (arrêté au 13 janvier 2000), selon les sources officielles, 1665 "repentis " se sont rendus aux autorités. Mais les GIA d'Antar Zouabri et le GSPC d'Hassan Hattab n'ont pas déposé les armes et doivent faire face au redéploiement de l'armée dans les régions de maquis. Le développement et la mise en place de cette politique ont entraîné une atténuation des violences dans le pays. L'amélioration notable du climat de sécurité a eu pour conséquence la réfaction de l'émigration politique des Algériens menacés.