II Des actions politiques

 

1) L'émancipation des femmes : un combat pour la démocratie

 

Ayda a, au cours de ses interventions officielles, présenté l'émancipation des femmes algériennes comme partie intégrante du combat pour la démocratie. Elle a toujours dénoncé le code de la famille18 dans ses tracts et ses prises de positions. Ce code de la famille rédigé en 1984 sous la présidence de Chadli Bendjedid fait de la femme une mineure à vie. C'est un code très discuté par le mouvement démocratique algérien qui réclame son abrogation. De très nombreuses associations féminines avec lesquelles Ayda a travaillé ou non, mais aussi des partis politiques tel que le RCD se battent pour l'abolition de ce code. Asma a publié dans son numéro 3 de mars 1996 quelques articles du code de la famille. Classé par thèmes, cet article est divisé en quatre rubriques : le mariage, la polygamie, le divorce et les droits de l'épouse. Il présente et décortique les articles les plus caractéristiques :

Par exemple l'article 11 : " la conclusion du mariage pour la femme incombe à son tuteur matrimonial qui est soit son père, soit l'un de ses proches parents. Le juge est le tuteur matrimonial de la personne qui n'en a pas. "

L'article 13 : " la musulmane ne peut épouser un non musulman. Le mariage des Algériens et des Algériennes avec des étrangers des deux sexes obéit à des dispositions réglementaires. " On constate à la lecture de ces deux articles du code de la famille que la femme ne se marie pas mais qu'on la marie. Elle n'est pas libre du choix de son époux qu'on lui impose. Ce code voté par l'Assemblée Nationale Populaire s'appuie sur la Shaâria et a suivi les recommandations de l'aile religieuse du FLN. Dans le même numéro d'Asma (n°3 mars 1996) un article de deux pages (page 4) de Djamila Amrane présente les contradictions et la genèse de ce code : " Deux facteurs peuvent aider à comprendre les longs atermoiements, puis finalement la promulgation en catastrophe d'un code inacceptable et inaccepté. Le fait que l'Islam soit religion d'Etat justifie les revendications d'application de la loi islamique, la Shaâria, en ce qui concerne le statut personnel, d'autant qu'elle n'est appliquée dans aucun autre domaine : droit pénal, administratif, commercial… Pour le pouvoir, le code de la famille ne semble pas être un texte législatif important pouvant contribuer à l'épanouissement de la société algérienne, il est plutôt considéré comme un appendice secondaire en marge de l'ensemble de la législation. Lorsque des concessions sont faites aux islamistes, elles concernent ce qui n'apparaît pas essentiel : les femmes, donc la famille et éventuellement la culture, l'enseignement. Le code actuel est en contradiction avec les lois du pays qui interdisent la discrimination sexuelle, avec le droit coutumier qui, même s'il infériorise la femme lui assure une protection et surtout il est en retrait par rapport à l'évolution de la société. " A la lecture de cet article on comprend le pourquoi du combat de ces femmes. La lutte des femmes algériennes s'inscrit pleinement dans le combat pour la démocratie. Ayda, par ses partenariats avec les associations féminines algériennes a permis de relayer cette lutte à Toulouse. En effet, les relations établies entre le Réseau de Solidarité avec les Femmes Algériennes et Ayda ont entraîné plusieurs prises de positions communes sur la question des femmes et le code de la famille. Ayda reçut, lors de certaines réunions, les membres du Réseau de Solidarité avec les Femmes Algériennes, elle entreprit des manifestations communes et a participé à plusieurs actions organisées par le réseau, notamment lors de la journée de la femme le 8 mars 1996, à travers une grande manifestation, place du Capitole à Toulouse, pour faire connaître le rôle des femmes dans la démocratie en Algérie. Les relations avec le mouvement féminin algérien étaient très importantes, car on retrouve de nombreuses déclarations publiques d'associations telles que Femmes Algériennes Unies pour l'Egalité des Droits ou bien encore le Rassemblement Algérien des Femmes Démocratiques. Plusieurs dossiers de presse, constitués par ces associations ont été conservés dans les archives d'Ayda mettant ainsi en lumière les atteintes aux droits de l'homme et la résistance de ces femmes. Elles ont travaillé de manière unitaire en 1996, lors du projet de lettre unitaire au président de la République Algérienne Liamine Zéroual. En effet, cette lettre ouverte signée par 15 associations différentes réclamait " la déclaration de l'anti-constitutionalité du code de la famille ". Asma a, dans son numéro spécial (mars 1996 n°3) consacré aux femmes algériennes et à leur résistance, publié cette missive et ainsi relayé cette prise de position de plusieurs associations féminines de toute l'Algérie.

L'association Ayda a organisé un " séminaire à Toulouse du 10 au 28 février 1997 sur le thème : la vie associative en Algérie, la démocratie et la journée internationale de la Femme19 " autour du témoignage de militantes de l'association Tarwha n'Fadma n'Soumeur et d'un responsable du MCB (Mouvement Culturel Berbère). Elle a aussi organisé une rencontre le 17 mai 1997, autour du thème de l'Islam et de la démocratie, développant dans une partie la question des femmes autour du film de la réalisatrice algérienne Houria Salhi " Femmes algériennes ". D'autres initiatives ont été entreprises dans le cadre des journées pour la démocratie en Algérie les 13, 14 et 15 décembre 1997 à Toulouse.

Ayda a aussi travaillé avec Femmes Algériennes Unies pour l'Egalité des Droits notamment en 1995 où deux membres d'Ayda ont participé à une réunion du FAUED à Paris, afin de faire le bilan de la participation de plusieurs femmes algériennes à la conférence mondiale de Pékin en 1995. Ayda a contribué financièrement au déplacement de la délégation algérienne dans la capitale chinoise. Elle s'est engagée à leur côté afin de les soutenir dans leurs revendications. Elle a relayé leurs prises de positions en invitant à plusieurs reprises les présidentes de Femmes Algériennes Unies pour l'Egalité des Droits et du Rassemblement Algérien des Femmes Démocratiques Salima Deramchi et Zazi Sadou, notamment lors du meeting du 15 mars 1996 au forum des Cordeliers. Cet investissement aux côtés des femmes algériennes a ancré les relations franco-algérienne, à Toulouse et renforcé ce soutien engagé aux côtés du Réseau de Solidarité avec les Femmes Algériennes.

Un article publié dans Asma (n°1 novembre 1995) apparaît comme un hommage à ce combat. Sous le titre " Lettre de fraternité à FAUED à l'occasion de leur délégation à Pékin … et aux autres " dont voici un extrait : " Vous avez dit " venez en Algérie, nous vivons, nous nous battons, nous nous organisons "… Vous avez dit " connaissez notre résistance et expliquez-la afin que nul n'ignore que notre peuple, dans sa douleur, malgré les balles, les poignards et les bombes, n'est ni exsangue, ni détruit, ni martyr, condamné à se livrer au diable, mais qu'il a goût au bonheur, à la dignité, à la liberté… et qu'il le dit " Alors nous sommes partis, par dessus cette Méditerranée qu'ils n'ont pas pu - encore - par leurs efforts conjoints transformer en nouveau mur de fer. Et nous sommes revenus avec vos voix et vos regards au cœur……… Notre solidarité active, on vous la doit car, lorsque vous dites " femme, résiste, vis et n'oublie pas tes droits ", vous ne parlez pas seulement pour vos sœurs d'ici, mais pour celles du monde, pas seulement pour l'Algérie, mais pour tous les hommes. "

 

 2) Le soutien aux journalistes

L'acharnement dont a fait preuve le FIS sur la profession des journalistes a conduit de nombreux professionnels des médias à s'exiler. Ces hommes et ces femmes ont payé un lourd tribut à la liberté d'expression. Beaucoup sont morts. Beaucoup, au prix d'un effort éreintant (changer de véhicule constamment, changer de domicile, modifier les horaires et les parcours) ont continué à écrire, dire, montrer et dénoncer. Certains, arrivés à l'extrême limite, ayant frôlé la mort ou ayant peur pour leurs proches sont venus se réfugier à l'étranger. Depuis le 26 mai 1993, plus d'une centaine de journalistes ont été assassinés par les intégristes. Ayda a accueilli certains d'entre eux, à l'image d'Abdelmadjid Kaouah et Mohamed Bahrour. Elle a aussi aidé des enfants de journalistes algériens réfugiés à Toulouse. Cette solidarité avec le milieu de la presse s'est manifestée de plusieurs manières. L'investissement dans l'association de plusieurs journalistes français, tels que Liliane Bourgeois ou Julien Roumette, s'inscrit dans le mouvement de solidarité engagé par la profession en France. Asma (n°1 novembre 1995) a publié l'appel signé par les journalistes français en 1996 qui dénoncent les atteintes à la liberté de la presse que subissent leurs confrères algériens. " Nous, journalistes français et européens ne pouvons rester insensibles à cette situation… la défense des libertés est indivisible. En défendant la liberté d'expression de nos confrères algériens, nous défendons aussi la nôtre. " Marie-Ange Poyet, journaliste au Figaro, s'est investie dans ce soutien. Asma a publié un de ses textes dans le numéro 2 de la revue : " Une Roumia dans les Aurés, être journaliste française en Algérie ". Elle a participé à un meeting organisé par Ayda le 15 mars 1996 pour présenter les films documentaires qu'elle a réalisés sur les repentis des GIA.

La solidarité avec les journalistes s'est développé en de nombreux points du territoire. A Marseille par exemple, les professionnels du Club de la Presse ont crée l'association Solidarité Presse qui a pour objectif " d'apporter à leurs confrères réfugiés dans la région un soutien financier et immédiat, leur permettre de trouver un logement… de faciliter leurs déplacements et leur offrir un lieu de travail et des contacts professionnels.20 " A Toulouse aussi, la solidarité a permis de venir en aide aux réfugiés. Certains membres d'Ayda étaient journalistes et se sont investis dans l'association. Liliane Bourgeois, directrice de publication d'Asma, est journaliste à Radio France. Dés le mois d'août 1994 une réception a été organisée à la Dépêche du Midi entre la rédaction toulousaine et les exilés. Le quotidien de la ville rose a offert des " piges " (travail rémunéré à l'unité selon ses dimensions) aux réfugiés. Ces derniers ont été reçus au Club de la Presse et ont obtenu un rendez-vous avec les membres de la rédaction de France3. Lors de la journée mondiale de solidarité avec les journalistes algériens le 6 octobre 1994, une réception et une exposition au Club de la Presse Midi-Pyrénées ont permis de rompre l'isolement dans lequel ils étaient. A cette occasion, le dessinateur Samson

Dessin de Samson dans le journal

ASMA n°1 de novembre 1995

(Archives Ayda 1995)
et les travailleurs des arts graphiques de Nuances Sud et Sacco ont réalisé une affiche éditée par Ayda et le Club de la Presse Midi-Pyrénées au bénéfice des journalistes algériens victimes du terrorisme. Des aides multiformes se sont développées afin de soutenir ces hommes et ces femmes. Le Club de la Presse a ouvert ces locaux aux exilés afin qu'ils puissent écrire, envoyer des articles à leurs journaux, s'ils en avaient la possibilité. Ainsi on retrouve en date du 24 avril, dans le compte rendu de réunion, l'information selon laquelle les deux journalistes algériens à Toulouse sont allés au Club de la Presse : " Geneviève excuse Mohamed et Madjid qui sont au Club de la Presse."

Ayda a entrepris des démarches auprès des organes de presse régionaux afin de permettre aux Algériens de pouvoir travailler. Des propositions ont été effectuées notamment par Radio France (Isabelle Delaude et Liliane Bourgeois) auxquelles il n'a pas été donné suite. La rédaction de France3 Sud a offert la possibilité à Ayda de s'exprimer plusieurs fois sur son antenne. On peut voir dans les archives une fiche de préparation à l'une de ces émissions " Emission d'Ayda sur France3 Sud le samedi 17 juin 1996 ". L'émission s'est déroulée en direct de 13 heures à 14 heures 15 et a couvert par sa diffusion Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Le journaliste de la Dépêche du Midi Jean-Jacques Rouch en a été l'animateur. Les attentes d'Ayda sont importantes : " intérêt pour Ayda : nous faire connaître surtout dans des populations que nous touchons avec difficulté. ….. Nous devons adapter notre discours et les thèmes abordés. Si cette émission s'avérait intéressante, il serait possible, en la remontant un peu, d'en faire une casette de présentation d'Ayda pour celles et ceux qui veulent nous connaître ". Les thèmes abordés ont été : l'histoire de l'Algérie, l'histoire d'Ayda, les initiatives de solidarité, l'exil, les femmes et l'Algérie, le FIS et l'avenir de l'Algérie. Coordonnée par Liliane Bourgeois et Paul Chiesa, cette émission s'est déroulée en présence de plusieurs exilés.

Ayda a aussi pris contact avec le syndicat national des journalistes et la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ) afin d'obtenir des aides. L'association toulousaine a permis à certains journalistes de témoigner de la difficulté dans laquelle ils devaient exercer leur travail et de dénoncer les atteintes à la liberté d'expression qu'ils subissent dans leurs pays. Ainsi, lors du meeting du vendredi 15 mars 1996, Lazahri Labter (journaliste au quotidien l'Opinion membre de la FIJ) et Mohamed Zaoui (directeur du journal arabophone El Waqt) ont fait entendre la voix de cette profession. Lors de la caravane des associations en octobre 1998 trois journalistes algériens y ont participé et notamment Lazahri Labter21 . Le dessinateur algérien GYPS qui a du s'exiler en France en octobre 1995 a offert un dessin à Asma publié dans le journal n°2 de décembre 1995. Ce très jeune humoriste et caricaturiste a su transcrire le malaise de la jeunesse algérienne à travers ses dessins.

Dessin de GYPS in ASMA n°2

Ayda a par plusieurs de ses initiatives ou ses contacts, développé un soutien aux journalistes qui sont arrivés à Toulouse.